Hommages

Hommage à Jean-Louis Roudil

par Sonia Stocchetti

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Le 25 septembre dernier, nous apprenions le décès de Jean-Louis Roudil.

Jean-Louis Roudil était archéologue et préhistorien.

Directeur de Recherche honoraire au CNRS à Montpellier, ancien directeur des antiquités préhistoriques du Languedoc-Roussillon, il n’en oubliait pas moins ses origines ardéchoises et a mené de nombreuses fouilles archéologiques sur ce territoire qu’il affectionnait tant.

Nous citerons pour mémoire la grotte de Peyroche 2 à Saint-Alban-Auriolles, la grotte des Deux-avens à Vallon-Pont-d’Arc ou encore la Baume d’Oulen à Labastide-de-Virac.

Il était également fortement engagé dans la protection des dolmens et a consolidé des monuments du plateau de Bourbouillet à Saint-Alban-Auriolles mais aussi à Banne. Il fut aussi à l’initiative de la restauration complète du dolmen de Font Méjane toujours à Saint-Alban-Auriolles.

Il avait à cœur de partager ses connaissances auprès du public grâce à des conférences, sa dernière ayant eu lieu le 10 juin à Jaujac mais aussi à travers d’articles publiés dans la revue Ardèche Archéologie par la FARPA (Fédération ardéchoise de la recherche préhistorique et archéologique) dont il fut le président de 1990 à 2013.

On lui doit aussi de nombreux ouvrages sur la Préhistoire ardéchoise :

  • ROUDIL J.-L., 1989, Préhistoire de l’Ardèche, Nemours : A.P.R.A.I.F.
  • ROUDIL J.-L., 1992, Les premiers paysans de l’Ardèche (préf. de Jean Guilaine), Privas : Conseil départemental de la culture de l’Ardèche.
  • ROUDIL J.-L., 1993, Les premiers métallurgistes de l’Ardèche (préf. de G. Gaucher), Privas : Conseil départemental de la culture de l’Ardèche.
  • ROUDIL J.-L., 1995, Préhistoire de l’Ardèche : le temps des chasseurs et leur art (préf. de   J. Clottes), Privas : Conseil départemental de la culture de l’Ardèche.
  • ROUDIL J.-L., 1998, Les dolmens de l’Ardèche (préf. de J.-P Daugas), Privas : Conseil départemental de la culture de l’Ardèche.
  • ROUDIL J.-L. et SAUMADE H., 1991, La Grotte de Combe obscure, Lagorce, Ardèche (préf. de J. Combier), avec la collaboration  de H. Camps-Fabrer, D. Helmer, J.-E. Brochier, E. Bazile-Robert.
  • ROUDIL J.-L., 2010, Préhistoire de l’Ardèche, Lagorce : Éd. de l’Ibie.

 


 

Hommage à Michel Rouvière

Michel Rouvière

Photo MHB – Juillet 2016

Le 13 novembre dernier nous apprenions avec tristesse le décès de Michel Rouvière.

Passionné et passionnant, Michel Rouvière avait à cœur la conservation des constructions en pierre sèche et la valorisation du travail titanesque et ingénieux de leurs bâtisseurs.

Dolmens et patrimoine a eu le plaisir de travailler à ses côtés dès la création de l’association dont il était membre. Entre 2001 et 2013, il a animé à 5 reprises des conférences sur le petit patrimoine bâti du sud Ardèche et du plateau labeaumois. Il a activement soutenu la mise en valeur du Ranc de Figère et participé au panneau d’interprétation situé à l’entrée du site. Il a également collaboré à la mise en valeur des jardins suspendus du Récatadou.

Il connaissait sa commune Vinezac et ses richesses culturelles et archéologiques dans les moindres recoins. On lui doit aussi les fouilles de sauvetage des dolmens de la Quérié sur ce même territoire.

Michel Rouvière possédait également un don pour le dessin que l’on peut retrouver dans ses publications mais aussi sur le panneau du Ranc de Figère.

Dernièrement, il participait au comité scientifique pour le projet de valorisation et de protection des dolmens où tout naturellement il avait été sollicité pour ses connaissances dans ce patrimoine exceptionnel que constitue l’architecture vernaculaire.

Retrouvez l’ensemble de ses travaux sur www.pierreseche.com

Sonia Stocchetti

 


 

Elégie à Michel Rouvière

On pense généralement à la douceur de l’automne ardéchois : les fruits de saisons viennent récompenser la dose de patience dont on a su faire preuve après parfois un été trop chaud. Les châtaignes grilleront dans la poêle accompagnant un verre de vin ; les pommes, Chanabièr, doubles-roses ou autres variétés seront la saveur sucrée que l’on apprécie, derniers moments de l’été avant d’affronter des moments plus difficiles : crues, aiguades, premiers froids, et gelées blanches qui indiquent le temps de se calfeutrer, d’être prudent quand l’inconfort se manifeste. Le temps de la saint Martin devient plus rude et parfois méchant. C’est le temps aussi des départs de ce monde dont on ne connaît que trop avec quelle cruelle certitude il faut se préparer, tant les chemins de la vie sont faits de batailles contre l’adversité.
Cette saison a vu le départ de Michel Rouvière, appris avec stupéfaction tant on savait qu’il avait encore à accomplir et à faire connaître dans sa passion du pays. Passion charnelle, il faut oser le terme. Michel était de cette génération qui a vu avec dépit les jeunes gens quitter un monde paysan dont on affirmait alors qu’il n’était plus en mesure de nourrir une famille. Après la Seconde Guerre mondiale, le monde rural est condamné pour qui souhaite  faire valoir ses talents, fonder une famille dans des conditions acceptables. Ne restent à la terre, dit-on, que ceux qui en ont la volonté farouche ou ceux qui n’en ont pas le choix. Pour ceux qui s’en vont vers la ville, c’est un déchirement ; on a appris alors à ne pas exprimer ce qui est ressenti comme une injustice : connaître les secrets et les saveurs de ce monde qui se nourrit d’une complicité avec la nature, des moments d’intimité singuliers où se préparent les passages des saisons, où l’on est dans une telle relation avec cet environnement de pierre de terre, de bois, d’eau, un monde que l’on sait partager avec les animaux.

 

Les animaux sont l’autre expression de ce pays fait ainsi d’une complétude dans laquelle l’être humain se doit de savoir exister avec la plus grande humilité, d’autant plus grande qu’il connaît à la fois les tenants et aboutissants de cette vie, et qu’il faut la remplir de tout ce qui fait la richesse de ses éléments.
Parti à la ville, Michel est revenu régulièrement. On parle communément de se ressourcer, c’est-à-dire de retrouver ce qui fait l’essentiel des choses qui charge l’âme de cette manière d’être au monde. Privé une partie de l’année de ce qui faisait son pays, Michel savait, quand il y revenait, y retrouver tout ce qui en était son histoire, ses manières. Ses dispositions pour les arts, Michel avait appris à les faire valoir, comme on fait valoir une terre, un domaine. Michel peignait, dessinait, sculptait, se heurtait à la matière pour lui faire dire ce qu’elle avait en elle qu’il savait faire s’exprimer. Autant dire que cette poésie des choses passait également par le verbe, par les poèmes dont l’écriture lui venait naturellement.

 

C’est peut-être son goût pour la pierre, la pierre qu’on appelle sèche, qui lui a donné la capacité de comprendre son histoire à travers les siècles. Il y a une espèce de spontanéité qu’on peut opposer à la culture savante dont les villes sont faites, qui permet de comprendre la parfaite adaptation entre l’homme et son environnement. En Cévennes, ce paradis perdu, bien qu’on en conserve définitivement la nostalgie, la survie est la condition quotidienne. Pour en faire une vie, simplement, il faut avoir appris à maîtriser les éléments, humblement, savoir construire sans mortier, pour s’abriter d’un toit, savoir aménager béalières et citernes pour disposer d’eau en toute saison, conduire les cultures des arbres fruitiers, de l’olivier, de la vigne. Connaître quels animaux seront à même de jouer dans cette complicité qu’il faut établir : végétal, animal, homme. Tout cela, Michel l’avait compris et s’était lancé dans l’aventure de le raconter, d’expliquer comment et pourquoi les terrasses cévenoles étaient devenues les jardins suspendus de cette terre nourricière faite de lait, de vin, de miel ; où indifféremment on avait pu cultiver vigne, châtaignes, seigle sur les sols granitiques, froment sur les sols calcaires.

 

La maison, de sa cave viticole au grenier, n’avait pas de secret pour Michel qui savait, par exemple, déplier les différents moments de construction d’une habitation pour en retrouver l’élément initial vers sa forme la plus simple ; et de la maison au paysage, il devenait possible, archives à l’appui, de voir comment évoluait le monde rural, la maison, le paysage, les terrasses, la société cévenole.

 

On retrouvera sur les bons sites de la toile électronique, dans quelques bonnes revues les travaux érudits que Michel a su conduire à travers tout ce que pouvait exprimer ce monde rural dont il avait, méthodiquement, noté ce qui peut paraître curieux à notre monde contemporain, photographié les éléments remarquables sans jamais se lasser de ce qui, à la longue, aurait pu apparaître fastidieux à un profane. Et c’était toujours un plaisir d’échanger avec lui avec ce goût que l’on pouvait retrouver des choses communes ce qui constituait le monde des Cévennes. On pouvait en définir les familles, les mutations au cours des siècles. C’est ainsi une formidable mémoire à laquelle Michel Rouvière a travaillé, et cette approche sensible faisait de Michel, au sens des Japonais, un trésor vivant. Faut-il dire en le déplorant que les institutions, en Ardèche, sont peu au fait de cette approche culturelle ? A grands renforts de moyens divers, on est porté à croire que certaines institutions, financées par les citoyens, seraient à même de faire valoir la richesse de cette mémoire pour en permettre la continuité dans le temps. Je crains qu’il ne faille émettre les regrets d’une faillite de ces structures.

 

Michel nous a quittés, et je ne peux penser à lui sans lui associer d’autres acteurs de ce territoire qui ont œuvré pour la connaissance des savoirs modestes. Pêle-mêle – mais je sais que Michel ne m’en voudrait pas – je voudrais citer avec lui Paul Leynaud, Serge Tekielski, et tant d’autres qui avaient compris que l’intérêt pour la société dans laquelle nous sommes est de savoir s’ouvrir à toutes les expressions populaires, artistiques, agricoles, dont nous savons qu’il procède d’un héritage de l’Antiquité, et sans doute plus encore, de la nuit des temps.
C’est ce que savait Michel. Il nous laisse en héritage le témoignage de son travail comme lui savait également retrouver les traces des générations antérieures dont les dimensions, l’obstination forcent l’admiration. Le temps s’écoule et entraîne chacun de nous, tour à tour, maillon solide dans la grande continuité humaine, forte de ce qu’elle laisse pour ceux qui viennent.

 

À lire : http://www.pierreseche.com/AV_2014_biblio_michel_rouviere.htm

Bernard Salques

 

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